LES CONTAMINATIONS EXTERIEURES PROFITENT DES BOULEVERSEMENTS PHYSIOLOGIQUES DE LA MAMMELLE

La gestion de la période sèche est loin d’être anodine. Sa bonne conduite conditionne la réussite de la lactation suivante. S’il s’agit d’une opportunité pour assainir et régénérer la mamelle, celle-ci subit également une succession de bouleversements physiologiques qui la rend vulnérable aux nouvelles infections.

La majorité des vaches sont contaminées par des agents extérieurs en début et fin de période sèche1. Ces moments correspondent aux grandes périodes de bouleversements physiologiques (et donc à la fragilité) de la mamelle.

Représentation schématique du risque de nouvelles infections en fonction du moment de la période sèche avec les risques infectieux associés (en gras : bactéries d’importance majeure)

Durant la période sèche, des mécanismes naturels limitent l’entrée et la prolifération de bactéries : formation d’un bouchon de kératine, sécrétion de substances antimicrobiennes telle que la lactoferrine. Cependant, certains facteurs (comme le niveau de production laitière) peuvent réorganiser et réduire la protection conférée naturellement.

Gare aux pertes de lait

Dans les 24 heures suivant la dernière traite, la pression dans la mamelle est maximale. Cette forte pression est nécessaire pour détruire le tissu mammaire et tarir la production laitière.

La pression est parfois si importante, notamment chez les vaches hautes productrices (VLHP), qu’elle peut engendrer des pertes de lait.

Une relation est établie entre le niveau de production laitière au moment du tarissement et le risque de nouvelles contaminations. Une vache qui produit plus de 12 L de lait par jour au tarissement multiplie par 4 son risque de nouvelles infections.

D’une part car elle facilite la remontée des bactéries dans la mamelle et, d’autre part, car elle retarde également la formation du bouchon de kératine, qui constitue la 1ère barrière physique contre les nouvelles contaminations.

Risques de perte de lait
8. Schukken Y.H. and al. (1993). “A Randomized Blind Trial on Dry Cow Antibiotic Infusion in a Low Somatic Cell Count Herd”. Journal of Dairy Science 76(10):2925-30, DOI:10.3168/jds.S0022-0302(93)77632-8

Tarir progressivement

La diminution progressive de la production laitière à l’approche du tarissement est une option intéressante, quand cela est possible, en agissant sur le nombre de traites et sur l’alimentation.

La seconde période à risque (période C sur le schéma) se situe autour du vêlage. La forte pression dans la mamelle, liée à la reprise de la production laitière, peut conduire à la fissure du bouchon naturel de kératine et être associée à des pertes de lait, favorisant à nouveau les contaminations.

Il est d’ailleurs recommandé de traire la vache dès que des pertes de lait sont observées en fin de période sèche.

Le bouchon de kératine : petit mais costaud !

A partir du tarissement, la kératine s’épaissit dans le canal du trayon jusqu’à former un bouchon destiné à obturer la mamelle et rendre difficile l’entrée de tout nouvel agent pathogène. Or, ce bouchon de kératine se forme en moyenne en 7 jours.

La première semaine post-tarissement (période A sur le schéma) constitue donc la période la plus critique du point de vue des contaminations, d’autant que la traite ne joue désormais plus son rôle de vidange.

A ce stade, il faut limiter au maximum l’introduction de nouvelles bactéries dans la mamelle. Le niveau d’hygiène adopté, notamment pour l’administration des produits de tarissement est déterminant dans l’apparition de nouvelles infections.

Malheureusement, ce bouchon de kératine peut parfois faire défaut, notamment chez les VLHP.
Les trayons d’une vache sur 2 haute productrice (> 21 L/j au tarissement) restent ouverts sur toute la période sèche.

Graphique à 50%

Chez les vaches dont la production est supérieure à 21L/j, 50 % des canaux des trayons restent ouverts sur toute la durée de la période sèche.1

Graphique à 73 %

On observe une baisse des nouvelles infections intramammaires survenant après le vêlage en utilisant un obturateur.2

L’utilisation d’obturateurs pour pallier un bouchon de kératine défaillant peut être intéressante.

La lactoferrine : une solution naturelle contre les mammites à E. coli

La production de lactoferrine fait partie des différents mécanismes naturels de la mamelle pour contrer la prolifération de bactéries.

La lactoferrine est une protéine sécrétée dans le tissu mammaire qui possède une activité antimicrobienne contre E.coli en rendant indisponible le fer, indispensable à la croissance de cette bactérie.

Cette propriété anti E. coli ne fonctionne qu’au moment où la lactoferrine atteint une concentration élevée dans la mamelle, correspondant à la phase B du schéma.

La propriété antimicrobienne de la lactoferrine n’agit plus dans les 2 semaines précédant le vêlage quand la production laitière redémarre, en raison de sa dilution dans le lait. Ce mécanisme explique, en partie, pourquoi on retrouve peu de mammites colibacillaires en milieu de période sèche mais davantage en début de lactation.

En revanche, cette protéine a été identifiée comme favorisant la croissance des streptocoques. C’est pour cette raison qu’en milieu de période sèche, le risque de nouvelles infections concerne principalement Streptococcus uberis.

Les changements physiologiques pendant la période sèche ne touchent pas que la mamelle !

La reprise de la lactation représente un stress important pour l’organisme de l’animal, impactant son immunité :

  • Stress du vêlage
  • Déficit énergétique inévitable en raison :
    • Du haut niveau de production au pic de lactation impliquant une demande énergétique accrue
    • De la capacité d’ingestion réduite dans les semaines précédant le vêlage en raison de la place prise par le veau
    • Du temps d’adaptation du rumen à la transition d’une ration fibreuse vers les concentrés de production 

C’est là tout l’enjeu de la phase de transition, qu’il faut préparer au mieux pour :

  • Limiter au maximum le déficit énergétique de début de lactation ;
  • Limiter les risques de fièvre de lait (elle favorise les pertes de lait en provoquant une baisse du tonus du sphincter) ;
  • Limiter la baisse de le fonction immunitaire (par le stress ou une ration mal équilibrée en vitamines, oligoéléments ou anti-oxydants) .

Tout cela dans l’objectif d’améliorer la santé mammaire !


C’est pour toutes ces raisons que la vache doit, à chaque étape de la période sèche, bénéficier d’une ration adaptée à ses besoins énergétiques et équilibrée en vitamines, oligo-éléments et anti-oxydants.

Pour limiter les troubles métaboliques au vêlage, il est recommandé de tarir la vache à une note d’état corporel (NEC) de 3-3,5. Cette NEC doit rester constante sur toute la période sèche.

La vache ne doit arriver au vêlage ni trop maigre, ni trop grasse. Une vache trop maigre doit reprendre de l’état en fin de lactation.

2- Exemple de grille de notation typiquement utilisée pour déterminer la note d’état corporel (sur une échelle de 1 à 5).

Un tarissement mal géré expose la vache et son veau à des problèmes autour du post-partum.

1. Bradley A.J. et al. (2015). An investigation of the dynamics of intramammary infection acquired during the dry period on the European dairy farms. J. Dairy Sci,98, pp 6029-6047.

2. Dingwell et al.: Association of cow and quarter-level factors at drying-off with new intramammary infections during the dry period; Preventive Veterinary Medicine 63 (2004)

3. A. R. Rabiee and I. J. Lean: The effect of internal teat sealant products (Teatseal and Orbeseal) on intramammary infection, clinical mastitis, and somatic cell counts in lactating dairy cows: A meta-analysis; Journal of Dairy Science (2013)

GP-FR-NON-230700013