Les 1000 premières heures de vie du veau
Dès sa naissance, chaque heure passée sans encombre par le veau est un pas de plus en faveur d’une plus grande longévité. Pour réussir le challenge, quelques fondamentaux sont à respecter.
La réussite du démarrage des veaux est essentielle au bon fonctionnement et à l’équilibre économique de l’élevage dans sa globalité. Elle conditionne en premier lieu la santé des veaux et est la première étape qui permettra l’expression du plein potentiel génétique.
La clé de cette réussite passe par la mise en application, au cours des premières semaines de vie, de différentes mesures préventives développées ici.
L’aire de vêlage
La naissance des veaux doit se dérouler dans un endroit propre et sec. Les mises-bas peuvent avoir lieu dans la zone dédiée à la période de préparation au vêlage (les 3 dernières semaines de tarissement) ou dans un box spécifiquement prévu pour y accueillir les vaches dont le terme est imminent.
Quelle que soit la solution adoptée, il convient que cet espace soit correctement dimensionné (afin d’éviter un chargement trop important susceptible d’être à l’origine d’une augmentation de la pression infectieuse) et qu’il limite au maximum les risques de stress pour la mère et le veau. Il est ensuite recommandé de retirer les veaux de l’aire de mise-bas le plus rapidement possible après la naissance, afin d’éviter un contact prolongé avec des germes pathogènes possiblement présents dans la litière.
Enfin, pour limiter au maximum les risques de contamination, la zone de vêlage devrait être systématiquement curée après chaque mise-bas et désinfectée toutes les 5 naissances. Une étude montre par exemple que le risque pour les veaux de contracter une maladie respiratoire est 3 à 4 fois plus élevé lorsque ceux-ci séjournent plus de 24h avec leur mère sur l’aire de vêlage [1].
La désinfection du nombril
Le cordon ombilical du veau nouveau-né constitue une voie de contamination majeure. La prévalence des omphalites peut atteindre 16% [2]. Les omphalites impactent particulièrement la croissance des veaux : jusqu’à -100g de GMQ [3].
Durant la gestation, le principal rôle du cordon est de faire transiter des nutriments de la mère au veau via de nombreux vaisseaux sanguins.
Ainsi, si des bactéries pénètrent par le nombril, elles auront facilement et rapidement accès à différents organes vitaux du veau.
Par conséquent, dès la naissance, le nombril doit être désinfecté soit par trempage (solution à privilégier) soit par pulvérisation.
Quelle que soit la méthode employée, il faut utiliser un produit approprié et désinfecter toute la surface.
Un contrôle régulier par palpation (en utilisant des gants à usage unique) sur les 15 premiers jours est recommandé afin de détecter précocement tout début d’infection ou toute apparition d’une hernie ombilicale. Les veaux présentant une infection du cordon ombilical ont en effet un risque 6 fois plus élevé de développer une hernie ombilicale [4].
La tenue du registre des traitements
L’enregistrement des vaccinations, des maladies et des traitements administrés aux veaux est indispensable pour une évaluation pertinente de la situation sanitaire.
Plus les informations saisies sont exhaustives, plus l’analyse est pertinente : incidence d’une maladie, efficacité des protocoles de prévention et/ou des traitements mis en place.
La collecte et la distribution du colostrum
Contrairement aux bébés qui bénéficient du transfert d’immunité de leur mère pendant la gestation, in utero, les veaux naissent sans défenses. Il convient donc de les protéger dès les premières heures de vie en leur distribuant le colostrum de leur mère riche en anticorps (Immunoglobulines G ou IgG).
Pour une protection rapide du veau, avant le développement de sa propre immunité, il est nécessaire de lui faire boire un volume de colostrum de qualité, en quantité suffisante et le plus rapidement possible après la naissance.
Ainsi il est recommandé d’administrer la première buvée de colostrum dès la 1ère heure de vie. Au-delà de 6 heures de vie, l’absorption des immunoglobulines est considérablement réduite et elle devient quasiment nulle 24h après la naissance.
Néanmoins, poursuivre la distribution du colostrum, en petites quantités additionnées à la buvée de lait, sur les premiers jours de vie, présente un avantage pour la protection locale de l’intestin du veau. Ajouter 250 ml de colostrum à chaque buvée de lait sur plusieurs jours réduit le risque d’apparition de diarrhées.
Un colostrum de qualité doit contenir 50 mg d’IgG/ml. Si sa concentration s’avère plus faible il sera nécessaire de compenser le manque d’apport par une augmentation du volume de distribution (Tableau 1. Fournier, 2021).
L’utilisation d’un réfractomètre est une manière simple et efficace de connaitre la qualité du colostrum fourni par la mère (valeur mesurée en % Brix). Si les valeurs obtenues se trouvent régulièrement en-deçà de 22% Brix, il convient d’en identifier la cause. Les facteurs qui peuvent affecter la qualité du colostrum sont multiples : durée de la période de tarissement, apports nutritionnels au tarissement, race, âge, statut vaccinal, saison, volume produit par la mère.
Pour pallier un déficit de colostrum en volume et/ou en qualité il est utile de constituer une banque de colostrum congelé. Le colostrum peut être congelé sous 2 volumes différents : soit en poches de 3 litres pour l’administration à la naissance, soit en petites doses (bac à maxi-glaçons ou mini-sachets de 250 mL) pour la distribution prolongée du colostrum en ajout à la buvée.
La propreté au moment de la récolte puis pendant la distribution du colostrum conditionne grandement l’efficacité de l’absorption des anticorps par le veau. Si des bactéries sont présentes dans le colostrum elles peuvent perturber l’absorption des anticorps en se liant à eux ou en occupant les récepteurs nécessaires à leur absorption [5].
Le risque de contamination du colostrum augmente au fur et à mesure des manipulations [6]. Les conditions d’hygiène doivent donc être irréprochables de la collecte à la distribution : mains, gants, mamelle, récipient de collecte, biberon ou drencher.
La vaccination
La protection des veaux via la vaccination est obtenue par 2 voies complémentaires :
1. En vaccinant la mère gestante pour protéger le nouveau-né contre les agents responsables des diarrhées du jeune veau. C’est l’immunité passive du veau transmise par la mère. Les mères vaccinées avant le vêlage produisent des anticorps ciblés contre les agents pathogènes contenus dans le vaccin (virus, bactéries et parasites responsables des diarrhées).
La prise colostrale fait ensuite bénéficier le jeune veau des défenses immunitaires contenues dans la mamelle. Ces anticorps, une fois ingérés, assurent une protection générale (dans la circulation sanguine puis tous les organes) et locale (dans l’intestin) du nouveau-né.
2. En vaccinant les veaux, pour les protéger contre les agents responsables des maladies respiratoires du jeune veau. Les agents respiratoires touchant les veaux sont des virus et des bactéries, tels que le coronavirus, le virus syncitial bovin et la pasteurelle Mannheimia haemolytica, agents majeurs de bronchopneumonies contagieuses.
Ce type de protection est appelée l’immunité active car le veau développe alors ses propres anticorps. Contre les maladies respiratoires, le vaccin administré directement au veau peut être complété par la vaccination de sa mère pendant la gestation, pour enrichir le colostrum d’anticorps ainsi que pour faire baisser la pression d’infection générale dans le troupeau : c’est le principe de la vaccination de groupe, bien connue en médecine Humaine.
La distribution de lait
Au cours de leur 1ère semaine de vie les veaux consomment des quantités négligeables d’aliment solide ; par conséquent, leur croissance dépend essentiellement de l’alimentation lactée (poudre de lait ou lait entier) pour assurer une bonne croissance. Le lait est une source d’énergie hautement digestible, équilibrée en protéines, matières grasses, vitamines et minéraux qui permet de couvrir les besoins du veau.
Les études montrent que la mise en place d’un plan d’alimentation lactée dit « intensif » permet d’assurer une croissance plus rapide pour atteindre plus aisément le poids vif requis à 6 mois d’âge (200 kg minimum) [7, 8]. C’est une étape importante pour améliorer les performances laitières futures [9].
Le sevrage
L’âge au sevrage varie, de manière générale, de 8 à 12 semaines. Il dépend principalement de la stratégie alimentaire mise en place. Le moment optimal du sevrage dépend du volume de lait distribué et de la quantité d’aliment consommé. Ainsi, plus les volumes de lait distribués sont élevés, plus il est recommandé de retarder le sevrage [8].
En ce qui concerne l’alimentation solide il convient d’atteindre une consommation quotidienne de 2kg minimum au moment du sevrage.Le sevrage est une étape qui génère beaucoup de stress pour les veaux. Un sevrage brutal peut entrainer des effets néfastes tels que des succions mutuelles, des signes de faim et la perte de GMQ après sevrage. Il doit donc se faire par palier sur les 2 semaines précédant le sevrage [10].
La distribution d’eau
L’eau est un nutriment essentiel qui doit être mis à disposition des veaux dans les premières semaines de vie. Elle est indispensable à la fermentation et donc à la valorisation de l’aliment solide au niveau du rumen. L’eau contenue dans le lait ne peut s’y substituer car lorsque le veau boit le lait, la gouttière œsophagienne se ferme afin que le lait atteigne uniquement la caillette et non le rumen, sous peine de provoquer des troubles digestifs sévères. Et plus un veau boit de lait plus sa consommation d’eau augmente [11].
À l’âge de 4 semaines, les veaux sans accès à l’eau consomment 31% d’aliment en moins et voient leur GMQ réduit de 38% par rapport à des veaux pour lesquels l’eau est distribuée à volonté [12].
Enfin, il est indispensable que l’eau distribuée soit propre à la consommation.
Il convient de réaliser des analyses bactériologiques et physico-chimique régulières (au moins 1 fois par an) et de mettre en place des mesures appropriées si les normes ne sont pas respectées.
Les seaux/ bacs de distribution de l’eau doivent également être régulièrement nettoyés [13].
L’alimentation solide
Un aliment spécifique dédié au démarrage peut être proposé aux veaux dès la 1ère semaine de vie. Même si les quantités consommées sont faibles au départ (de l’ordre de 50g/j), un renouvellement quotidien est indispensable afin de stimuler la curiosité et donc la consommation. Cet aliment doit être formulé de manière à être appétent tout en couvrant les besoins des veaux (Tableau 2. Oliveira et Stone, 2018) [15].
Le logement
Les veaux nouveau-nés doivent être logés dans un endroit propre et sec à l’abri des courants d’air. L’hébergement en niche individuelle (ou par 2) est recommandé jusqu’à l’âge de 2 à 3 semaines. Ces niches devront être nettoyées et désinfectées à chaque changement de veau.
Pour éviter les risques de maladies, notamment respiratoires, et limiter les compétitions alimentaires au moment du passage en case collective, il est conseillé de constituer des lots de 8 veaux maximum, dont les écarts d’âge entre individus n’excèdent pas 3 semaines [1].
Une ventilation efficace, associée à un volume d’air adéquat (7 à 9 m2 / veau), permet une bonne régulation de la température corporelle et participe à diminuer le développement des agents pathogènes et l’accumulation de gaz nocifs (ammoniac principalement).
La litière doit, elle, être fréquemment renouvelée. Si tel n’est pas le cas, les concentrations en E. coli, en entérobactéries et en levures dans l’air augmentent. Au-delà de 40 jours sans renouvellement de la litière, l’air respiré devient vicié et les épisodes de toux augmentent [14].
Toute l’attention portée aux veaux au cours de leurs 1000 premières heures de vie conditionne en grande partie la réussite des 1000 premiers jours de vie qui suivront… et au-delà !
Bibliographie
[1] Gulliksen M. et al. Respiratory infections in Norwegian dairy calves. American Dairy Science Association, 2009.
[2] Dachrodt L. et al. Assessment tools for dairy herd health consultancy based on reference values from 730 German dairies with respect to seasonal, farm type, and herd size effects. Frontiers, 2022.
[3] Virtala AM. et al. The effect of calfhood diseases on growth of female dairy calves during the first 3 months of life in New York State. Journal of Dairy Science, 1996.
[4] Steenholdt C. et Hernandez J. Risk factors for umbilical hernia in Holstein heifers during the first two month after birth. JAVMA, 2014.
[5] Peterson J. et Godden S. Relationship between bacteria levels in colostrum and efficiency of absorption of immunoglobulin G in newborn dairy calves. University of Minnesota, 2007.
[6] Stewart S. et al. Preventing bacterial contamination and proliferation during the harvest, storage, and feeding of fresh bovine colostrum. Journal of Dairy Science, 2005. [7] Bach A. Nutrition and health from dairy calf to heifer. International Dairy Nutrition Symposium, 2019.[8] Koch C. Effects of intensified feeding strategies on performance and resilience in calves. International Dairy Nutrition Symposium, 2019.
[9] Bach A. et al. Invited Review: Advances in efficiency of growing dairy replacements. Applied Animal Science, 2021.
[10] Nielsen PP. et al. Milk allowance and weaning method affect the use of a computer-controlled milk feeder and the development of cross-sucking in dairy calves. Applied Animal Behavior Science, 2008. [11] Lowe GL. et al. Effects of drinking water provision on the behavior and growth rate of group-housed calves with different milk allowances. Journal of Dairy Science, 2022.
[12] Kertz AF. et al. Ad libitum water intake by neonatal calves and its relationship to calf starter intake, weight gain, feces score, and season. Journal of Dairy Science, 1984.
[13] Wiedmeier RD. et al. Frequent changing and rinsing of drinking water buckets improved performance and health of hutchreared Holstein beef calves. Utah State University, 2005. [14] Bonizzi S. et al, Animals Air Quality, Management Practices and Calf Health in Italian dairy cattle farms. Animals, 2022.[15] Oliveira M. et Stone A. Dairy calf management: from birth to weaning. Mississippi State University Extension, 2018. GP-FR-
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