Mise à l’herbe ovine : assurer la transition pour une bonne production !

Le pâturage est une pratique intéressante pour réduire les coûts de production dans un troupeau ovin. À condition de prendre quelques précautions lors de leur mise à l’herbe… Mal maîtrisée, elle peut avoir des conséquences désastreuses sur les performances économiques du lot.

Quels sont les risques associés à la mise à l’herbe ?

La mise à l’herbe s’accompagne de 3 changements :

  • Une modification de l’alimentation
  • La transition d’une vie en bâtiment, aux paramètres d’ambiance maîtrisés, à une vie en pâture avec les aléas météorologiques qui l’accompagnent
  • Une accentuation du risque parasitaire.

Les diarrhées alimentaires, l’entérotoxémie, la tétanie d’herbage et le parasitisme sont les principaux risques sanitaires rencontrés à la suite de ces changements.

Pour limiter leur apparition, la mise au pâturage doit être soigneusement préparée. Une transition alimentaire progressive et la maîtrise du parasitisme sont les piliers d’une mise à l’herbe réussie.

Une attention toute particulière doit être portée aux jeunes agneaux et agnelles de renouvellement, particulièrement vulnérables lors de cette transition.

Réaliser une transition alimentaire progressive

La mise à l’herbe se traduit par une modification du régime alimentaire. L’animal passe d’une alimentation sèche, riche en cellulose à une alimentation exclusivement composée d’herbe, riche en azote et en eau mais pauvre en lest. La transition doit être progressive afin de limiter les perturbations digestives, l’entérotoxémie étant la plus redoutable.

Il est recommandé de commencer par sortir les animaux 2 à 3 heures par jour tout en continuant à distribuer du fourrage (pour fournir du lest) ou des concentrés facilement digestibles. La durée de pâturage sera progressivement augmentée tandis que l’on réduira peu à peu la quantité de fourrage et de concentrés.

Les sorties par temps frais ou pluvieux doivent absolument être évitées afin d’éviter un stress supplémentaire à l’organisme. Privilégier l’après-midi ou la fin de journée pour les premières sorties.

Prévenir l’entérotoxémie

Cette maladie est provoquée par un déséquilibre de la flore intestinale, occasionné par différents facteurs retrouvés lors de la mise à l’herbe (brusque changement alimentaire, ration trop pauvre en fibres, trop riche en azote, « coup de froid » …). Ce dysmicrobisme se traduit par une prolifération anormale d’une famille de bactéries : les clostridies.

Naturellement présentes dans l’organisme de tous les ovins, les clostridies sécrètent des toxines quand leur prolifération devient excessive. Les toxines se répandent alors dans l’organisme et conduisent, à terme, à la mort de l’animal, parfois sans symptômes préalables. Elle touche souvent les « plus beaux animaux » et notamment ceux en croissance. Une fois la maladie déclarée, le traitement est illusoire.

La vaccination, associée à la maîtrise des facteurs de risque, reste la stratégie la plus efficace. Pour les agneaux, deux injections sont nécessaires, dont la dernière 15 jours avant la mise à l’herbe. La dose de rappel pour les adultes pourra être faite à la même occasion.

Le niveau de parasitisme interne doit être scrupuleusement suivi, les infestations parasitaires étant un facteur favorisant d’apparition des entérotoxémies.

Penser à la coccidiose en début de saison

Si la coccidiose est avant tout une parasitose de bergerie, elle peut néanmoins s’exprimer cliniquement dans les deux premières semaines de pâturage chez les agneaux de moins de 3 mois par une diarrhée noirâtre et nauséabonde, des coliques, une laine de mauvaise qualité ou des retards de croissance.

En effet, en cas de pression parasitaire moyenne, les agneaux peuvent ne pas manifester de symptômes en bâtiment. En revanche, le stress de la mise à l’herbe sur l’organisme suffit parfois à en déclencher les manifestations cliniques.

L’évaluation du niveau de parasitisme et de la nécessité de traiter les animaux contre la coccidiose avant leur mise à l’herbe est à réfléchir avec votre vétérinaire. L’examen complémentaire de référence est la coproscopie, réalisée sur la base de 5 à 10 prélèvements de matières fécales (pour 100 individus) d’animaux différents, issus d’un lot homogène. Si un traitement s’avère nécessaire, il est conseillé de le faire avant la mise à l’herbe, afin de ne pas avoir à rentrer les animaux quelques semaines plus tard.

Autoroute d'une mise à l'herbe réussie

Maîtriser le parasitisme en pâture

Dans le premier mois de pâturage, les animaux s’exposent principalement à un risque d’infestation par les strongles ou par Moniezia (une famille de ténia). Cette infestation est surtout problématique pour les animaux dont il s’agit de la première saison de pâture, les animaux plus âgés ayant normalement développé une résistance à la réinfestation (sous réserve d’un contact prolongé avec le parasite).

Pour les strongles, et tout particulièrement Nematodirus, c’est l’ingestion des larves, issues des œufs éclos excrétés dans la pâture jusqu’à deux saisons de pâturage précédentes qui est responsable de la parasitose.

Pour Nematodirus, des signes cliniques d’infestation peuvent apparaître dès le mois de mai ou juin.

Pour le ténia, c’est l’ingestion d’un acarien lui-même infesté (l’oribate), qui permet la continuité du cycle parasitaire. Cet acarien survit bien au climat hivernal et se plait dans les prairies humides, acides et recouvertes de mousse, rendant son éradication très difficile. La dissémination du parasite se fait essentiellement par le déplacement de lots parasités.

Figure 1 – L’oribate est un hôte intermédiaire nécessaire à la survie du ténia. Crédit Photo : Christophe Salin

Ces deux familles de parasites sont spoliatrices de nutriments ou de sang. Un niveau de parasitisme important peut fortement pénaliser la croissance des jeunes et être responsable de pertes économiques lourdes. Ils sont, de plus, un facteur favorisant à la survenue d’entérotoxémies.

Face à la résistance de ces parasites dans le milieu extérieur, le véritable enjeu est donc de mettre progressivement l’animal en contact avec le parasite pour lui permettre de développer une immunité tout en limitant les manifestations cliniques liées à une charge parasitaire trop importante par rapport à ce que son organisme peut supporter.

Limiter le risque d’infestation au pâturage

L’un des moyens de limiter l’infestation repose sur la gestion des pâtures, en tenant compte des différents cycles parasitaires et de l’effet de la météo sur ces derniers.

La température et la pluviométrie sont des facteurs déterminants. La difficulté de ce raisonnement étant de trouver un compromis entre la valorisation de l’herbe, les contraintes de l’exploitation et la pression parasitaire.

En premier lieu, le surpâturage, qui favorise des charges parasitaires élevées doit être proscrit.

Ensuite, il est conseillé de réserver aux agneaux les prairies saines, au moins les trois premiers mois, c’est-à-dire :

  • Les prairies non pâturées par des brebis autour de l’agnelage (période d’excrétion maximale) ou des agneaux la saison précédente ;
  • Les prairies nouvellement implantées ;
  • Les prairies récemment fauchées ;
  • Les prairies pâturées par des bovins l’année précédente.

Evaluer l’excrétion parasitaire 45 jours après la mise à l’herbe

Environ 45 jours après la mise à l’herbe, les larves de Moniezia et de strongles ingérées par les animaux auront laissé place à des adultes, capables de pondre des œufs dans l’intestin. Ces œufs seront ensuite relargués dans le milieu extérieur via les matières fécales.

C’est donc le moment idéal pour évaluer le niveau d’excrétion d’un lot et d’évaluer, avec votre vétérinaire, la nécessité de traiter les animaux, en confrontant cette donnée avec les antécédents du troupeau, la situation climatique et épidémiologique et la présence de signes cliniques.

Pour prévenir les résistances aux antiparasitaires, en particulier vis-à-vis des strongles, la recommandation est d’effectuer désormais des traitements raisonnés, ciblés et spécifiques.

Votre vétérinaire peut ainsi proposer d’alterner différentes familles de molécules ou de limiter les stratégies « Treat and move » (stratégie consistant à traiter les animaux puis à les changer de pâture) qui ont le désavantage d’ensemencer la pâture suivante avec des formes résistantes.

S’il est parfois possible d’identifier une infestation par le ténia à l’œil nu (les segments sont inconstamment visibles dans les selles sous forme de « grains de riz »). Le vétérinaire peut alors suggérer d’effectuer des coproscopies de contrôle pour identifier le ou les parasites qui circulent dans le lot et propo-ser une molécule adaptée.

Figure 2 – Un ténia au milieu d’une crotte fraîche d’agneau. En séchant, il prend la forme de grains de riz .

La coproscopie de contrôle consiste à prélever individuellement les selles de 5 animaux en notant le nom de l’animal sur le prélèvement, permettant de juger du statut parasitaire de 50 à 100 animaux. Ces prélèvements doivent être expédiés au vétérinaire ou au laboratoire d’analyse indiqué dans les 12 heures, en veillant à les conserver au frais.

Zoom

Traiter le ténia en bergerie

Pour traiter les animaux vis-à-vis de la monéziose il est recommandé :

  • de les rentrer en bâtiment
  • de les y laisser pendant au moins 12h après le traitement pour éviter de réensemencer massivement les pâtures et limiter ainsi la nécessité d’un deuxième traitement.
A retenir pour la mise à l'herbe

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