Diarrhées : à l’origine de plus de la moitié de la mortalité des jeunes veaux !
Les actions à mener pour s’en débarrasser
Les veaux nouveau-nés sont vulnérables et risquent de développer des maladies parfois mortelles au cours de leurs premières semaines de vie [1]. En France le taux de mortalité des veaux de moins d’un mois est de 12% en élevage laitier et de 7% en élevage allaitant [2].
Les diarrhées sont à l’origine de plus de la moitié de cette mortalité (jusqu’à 57%) [3]. Et les veaux qui y survivent voient leurs performances zootechniques fortement dégradées. Mais les diarrhées néonatales ne sont plus une fatalité. Découvrez les points de vigilance pour protéger votre élevage.
Bombardés de microbes, dès la naissance !
Les diarrhées des jeunes veaux peuvent être de 2 origines : ‘‘alimentaire’’ ou infectieuse.
Les diarrhées d’origine ‘‘alimentaire’’ font suite à des erreurs de préparation ou de distribution du lait : quantité de poudre inadéquate, mauvaise homogénéité du mélange, variabilité de la matière grasse pour le lait entier, irrégularité des repas, température inadaptée de la buvée, etc.
Les diarrhées d’origine infectieuse sont, elles, liées à une contamination par des agents pathogènes (virus, bactéries, protozoaires), les co-infections étant fréquentes. La prévalence des agents pathogènes peut varier selon les zones géographiques, la conduite d’élevage ou la taille du troupeau [3]. Et les agents auxquels le veau est exposé varient en fonction de son âge.
L’identification des agents responsables (sur 3 veaux minimum) est primordiale pour stopper la contagion (en limitant la pression infectieuse). Le succès des traitements préventifs et/ou curatifs dépendent de la rapidité de mise en œuvre de ces analyses faites en laboratoire sur la base des fèces de plusieurs veaux atteints.
Des séquelles à vie !
Les veaux atteints de diarrhées absorbent moins bien les nutriments et perdent l’appétit. Leur GMQ avant sevrage est inférieur de 50g par rapport aux veaux en bonne forme. Et ce décalage de croissance ne sera, bien souvent, jamais compensé par la suite [4].
Les épisodes de diarrhées avant sevrage peuvent aussi être responsables de troubles à plus long terme [4]. En 1ère lactation, le nombre d’inséminations nécessaire à la fécondation est augmenté et les niveaux de production des génisses ayant connu un épisode de diarrhée avant sevrage sont également plus faibles (moins 325 kg de lait en 305 jours).
Comment réduire les cas de diarrhées ?
Avant le vêlage
- couvrir les besoins nutritionnels des mères
A partir de 6 semaines avant le vêlage la vache connait de nombreux changements physiologiques (la croissance du fœtus augmente fortement, la mamelle commence à produire du colostrum) alors que l’appétit diminue en parallèle (en raison de la réduction du volume du rumen sous l’effet de la croissance du fœtus et des modifications hormonales qui débutent).
A partir de 4 semaines avant le vêlage, les apports nutritionnels doivent alors être contrôlés. Les apports en énergie, protéines et oligoéléments doivent correspondre aux besoins des animaux car ils conditionnent directement la facilité du vêlage, la qualité et la quantité de colostrum et donc la santé des veaux nouveau-nés.
- vacciner les mères
La vache produit des anticorps, stockés dans son sang, suite à l’exposition à différents agents infectieux au cours de sa vie. En fin de gestation une quantité importante d’anticorps migre dans la mamelle pour la production de colostrum qui débute environ 5 semaines avant le vêlage. Il est possible d’orienter le type d’anticorps que le colostrum contient en vaccinant les mères contre les agents responsables des diarrhées dans l’élevage.
Les veaux naissent sans protection contre les agents infectieux susceptibles de les contaminer. Il est donc essentiel qu’ils reçoivent le colostrum de leur mère préalablement vaccinée, le plus rapidement possible, dès la naissance, et en quantité suffisante pour recevoir des anticorps contre les agents responsables des diarrhées.
Mais pour profiter pleinement des bénéfices de la vaccination, il est important de suivre les règles suivantes :
- Utiliser un vaccin correspondant au microbisme détecté dans l’élevage. Et faire ré-évaluer régulièrement par le vétérinaire les agents en présence.
- Vacciner au bon stade de gestation en suivant strictement la posologie du vaccin.
- Respecter la chaine du froid pour le transport et le stockage du vaccin (lire la rubrique 6.4. Précautions particulières de conservation de la notice) ainsi que la péremption et la durée de conservation après première ouverture éventuelle (lire la rubrique 6.3. Durée de conservation de la notice).
- Utiliser des aiguilles et des seringues à usage unique en respectant la bonne voie d’administration (lire la rubrique 4.9. Posologie et voie d’administration de la notice).
- veiller au confort des taries
Dans le cas de fortes chaleurs les vaches taries sont exposées à un stress thermique dont les répercussions vont toucher en partie le veau à naitre. En effet, l’apparition de diarrhées est favorisée [5] en raison de la dégradation du transfert immunitaire et de la diminution de l’absorption des anticorps. La présence d’une ventilation naturelle ou dynamique et l’accès facilité à l’eau et à l’auge sont donc de rigueur pour les vaches en période sèche.
Au moment du vêlage
- réunir les bonnes conditions de vêlage : calme et propreté
En bâtiment, la zone de vêlage est dédiée, si possible isolée, curée, et raisonnablement occupée.
La forte densité (davantage rencontrée en production allaitante) est propice à l’augmentation de la charge bactérienne de la litière, en particulier si les conditions sont humides et que les vêlages sont groupés. Le cas échéant, rajouter des séparations pour limiter les mélanges d’animaux et augmenter la fréquence de curage.
- désinfecter les nombrils
Le nombril est une voie d’entrée facile pour les germes se situant sur la peau et dans l’environnement. Sa désinfection réduit fortement les risques et permet un assèchement plus rapide. Il convient de contrôler régulièrement le cordon par palpation sur les 2 premières semaines de vie. Tout gonflement, douleur ou écoulement détectés nécessitent un traitement rapide.
- distribuer rapidement et en quantité suffisante un colostrum de qualité
La gestion colostrale rigoureuse est fondamentale pour prévenir les diarrhées. Il s’agit d’administrer précocement, en quantité suffisante et dans de bonnes conditions d’hygiène, un colostrum de qualité.
Pour ne rien oublier, voici les 5 points aide-mémoire :
1. Propreté : Eviter / limiter la contamination du colostrum ! Non seulement pour éviter de rendre le veau directement malade, de par la présence de bactéries possiblement pathogènes. Mais aussi parce que les germes présents en trop grande quantité dans le colostrum réduisent le transfert dans le sang des anticorps et donc la protection du veau. Il y a 2 fois moins d’anticorps absorbés par les veaux ayant reçu un colostrum contaminé ! L’hygiène médiocre (de la collecte et de la distribution du colostrum) fait ainsi augmenter le risque de maladie néonatale.
La norme est de maintenir la contamination des colostrums en deçà de 100 000 germes/ml. Pour y tendre :
- Nettoyer et désinfecter le matériel de collecte (poste de traite mobile, etc.)Utiliser des gants propres
- Laver les trayons avec une lavette imbibée d’un prétrempage
- Sécher les trayons
- Tirer les premiers jets pour vérifier l’absence de mammite
- Collecter et distribuer dans des contena
- Utiliser des procédés de conservation si le colostrum est stocké plus de 12 h : réfrigération, ajouts de conservateurs, pasteurisation, congélation, etc.
2. Délai : Prélever le colostrum et faire boire le veau au plus vite ! Tout d’abord pour le réchauffer et limiter l’hypoglycémie car le veau dispose de seulement 3 à 4% de graisse corporelle (contre 15 à 16% pour un bébé). Aussi parce que la qualité du colostrum diminue très vite après le vêlage (dès la 1ère heure) et perd, en moyenne, 2,5 points de Brix au bout de 6 heures ! Distribuer rapidement le colostrum est également décisif pour que le veau profite du transfert des anticorps. En effet, le passage entre les intestins et le sang rétrécit progressivement après la naissance et se ‘ferme’ complétement à 24h de vie. Enfin, physiologiquement, il est plus facile de faire boire le veau rapidement après sa naissance parce que le veau est plus vif dans les 1ères heures qu’après 6 heures de vie. La norme est de distribuer la 1ère buvée dans les 2 à 3 heures maximum après la naissance et la seconde avant 12 heures après vêlage.
3. Concentration : Evaluer la concentration du colostrum ! La teneur en anticorps du colostrum varie d’une mère à l’autre, d’un vêlage à un autre, et elle décroit rapidement après vêlage. Il est donc nécessaire d’évaluer sa concentration pour ajuster la quantité à distribuer. Moins le colostrum est chargé en anticorps, plus il faut en distribuer ! La concentration en anticorps du colostrum se mesure à l’aide d’un réfractomètre dont les résultats s’expriment en % Brix.
4. Quantité : Administrer un volume de colostrum suffisant !
En élevage laitier, poursuivre la distribution de colostrum (ou de lait de 2ème traite) à hauteur de 250 mL par repas permet de diminuer nettement les cas de diarrhée des veaux.
Le cas échéant, prolonger la distribution sur les 7 à 14 premiers jours de vie, selon la nature du risque de diarrhée dans l’élevage au moment donné.
* Si malheureusement le veau reçoit sa 1ère buvée tardivement (au-delà de 3 heures après naissance), une 2nde buvée est difficile à envisager avant les 12 premières heures de vie. Dans ce cas, donner un plus grand volume de colostrum en une seule fois.
** A défaut de contrôle possible de la quantité, faire vidanger complètement les 4 quartiers de la mamelle par le veau.
5. Colostrothèque : Constituer un stock de bon colostrum excédentaire ! Congeler du colostrum d’excellente qualité est utile : pour remplacer un colostrum de mauvaise qualité ; pour compléter le colostrum de la mère ayant donné naissance à des jumeaux ; ou pour distribuer très rapidement du colostrum si la traite de la mère ne peut être immédiate. En pratique, congeler du colostrum (riche en anticorps) par poche de 2 litres. Il est également utile de stocker du colostrum et/ou du lait de 2ème traite par poche de 250 mL pour le distribuer, additionné à la buvée, sur les 14 premiers jours de vie du veau, en cas de période à risque de diarrhées. La conservation au congélateur (-20°C) ne doit pas excéder 6 mois. Le colostrum ainsi stocké doit être décongelé doucement dans de l’eau tiède (max 50°C). Le micro-ondes et l’eau bouillante sont interdits.
Après le vêlage
- maitriser les conditions de logement (ambiance, surface, hygiène)
Les veaux sont logés en niches individuelles ou en cases collectives au moment où leur système immunitaire est encore immature : ils sont encore très vulnérables. Dans un milieu sale, humide, mal ventilé ou surchargé en animaux, le risque de diarrhée va donc fortement augmenter.
Lorsqu’ils sont élevés en groupe les veaux doivent disposer de 1,5 m2 minimum. L’écart d’âge entre les veaux d’un même groupe ne doit pas excéder 3 semaines et il est recommandé de limiter le groupe à 5 veaux maximum par case. Dans le cas d’un logement individuel l’espace disponible doit être de 2m2 minimum. Idéalement, les veaux se voient sans pouvoir se toucher pour éviter les contaminations. Quel que soit le type de logement, tout veau malade doit être mis à l’écart de ses congénères le plus rapidement possible, et ce, jusqu’à sa guérison.
Les logements vides sont curés, nettoyés (détergent) et désinfectés sans attendre. Utiliser un désinfectant actif contre les bactéries, les virus et les protozoaires. Il est important de respecter les temps d’application des produits utilisés en se référant au mode d’emploi de la notice.
L’orientation du logement a un fort impact sur la qualité de sa ventilation. Les veaux doivent être à l’abri des intempéries, des températures extrêmes et des émanations d’ammoniac. Il convient de réaliser régulièrement un diagnostic de ventilation complet.
- observer les veaux
La détection précoce des veaux malades est une des principales clés de la non-prolifération et du succès du traitement mis en place. Les veaux atteints de diarrhée ou en passe de le devenir présentent des signes distinctifs (signes cliniques) : ils sont davantage isolés, couchés, moins enclins à boire et ont les oreilles basses, les yeux plus creux et une respiration accélérée.
Il est donc important de consacrer du temps à l’observation dans la routine de soins aux veaux et de prendre leur température au moindre doute : au-delà de 39,5°C ou en-dessous de 37,5°c, isoler le veau et contacter le vétérinaire.
Bibliographie
[1] Schinwald M. Predictors of diarrhea, mortality, and weight gain in male dairy calves. Journal of Dairy Science, 2021.
[2] MSD Santé Animale. Taux de mortalité national laitier et allaitant, 2016.
[3] Cho Y. An overview of calf diarrhea – infectious etiology, diagnosis, and intervention. Journal of veterinary Science, 2014.
[4] Abuelo A. Effect of preweaning disease on the reproductive performance and first-lactation milk production of heifers in a large dairy herd. Journal of Dairy Science, 2021.
[5] Ghaffari M. Developmental programming: prenatal and postnatal consequences of hyperthermia in dairy cows and calves. Journal of dairy Science, 2022.
[6] La santé de mon troupeau. Bonne gestion colostrale : une histoire de Q, 2023.
[7] Dairy Australia. Rearing healthy calves 2nd edition, 2020.
[8] MSD Animal Health. Step by step guide to scour in the young calves diagnosis and control, 2021.
GP-FR-NON-230800008
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