Pourquoi et comment améliorer la longévité des vaches laitières
La longévité des vaches laitières fait l’objet d’un intérêt croissant ces dernières années.
L’augmentation de la durée de présence des vaches dans un troupeau est intéressante à plus d’un titre : elle bénéficie à l’équilibre économique de l’élevage et permet en même temps de réduire l’empreinte environnementale.
Dans la plupart des troupeaux, 30 à 35% des vaches sont remplacées chaque année. Or 7 remplacements sur 10 sont subis (mammites, boiteries, troubles de la reproduction, etc.) et pourraient parfois être évités. Ces réformes involontaires sont coûteuses.
Réduire ce taux de réforme de moitié dans les 3 premiers mois de lactation génèrerait un gain financier de 35€ par vache présente et par an (De Vries, 2004).
Pourquoi améliorer la longévité ?
L’amélioration de la longévité peut répondre à différents objectifs :
Améliorer l’efficacité alimentaire : Parce qu’elles n’ont plus de besoins de croissance à satisfaire, les vaches en 3ème lactation et plus, produisent davantage de lait par kilo d’aliment consommé.
Réduire le nombre de génisses à élever : Les élevages dont les vaches restent productives plus longtemps ont besoin de moins de génisses de remplacement et de moins d’animaux au total. Ce qui signifie moins de fourrage et d’aliments consommés et moins de surface de bâtiments nécessaires (Heinrichs, 2022).
Evolution du chargement en animaux dans l’élevage en fonction de l’âge au 1er vêlage (Heinrichs, 2022)
Réduire l’empreinte carbone : L’augmentation de la longévité réduit la production des gaz à effet de serre et des effluents par kilo de lait. La maitrise de l’empreinte carbone est un enjeu majeur pour une filière laitière résolument engagée et consciente des enjeux sociétaux et environnementaux.
Augmenter le lait produit par jour de vie : Les vaches atteignent leur pleine maturité à la 3ème lactation. C’est à partir de ce moment qu’elles expriment leur plein potentiel en produisant le plus de lait. Or de nombreuses vaches quittent le troupeau avant même d’avoir atteint ce stade. C’est dommage quand on sait les efforts qui sont menés pour développer leur potentiel génétique.
Un centre de conseil en production laitière canadien (Lactanet), a démontré que plus le pourcentage de vaches à 3 lactations (et +) augmente dans le troupeau, plus le lait produit par jour de vie augmente. L’augmentation de la longévité se traduit par une amélioration du profit par jour de vie de 0,24€ (0,56€ – 0,29€). Pour un troupeau de 75 vaches, cette amélioration représente un profit additionnel d’environ 6700 €/an. Cette amélioration de la longévité permet, dans le même temps, de réduire de 9% le taux de réforme (Blais, 2008).
Ces mêmes travaux prouvent par ailleurs qu’il y a un intérêt économique à améliorer la longévité quel que soit le niveau de production du troupeau.
Comment améliorer la longévité ?
Par la bonne connaissance des motifs de réforme
Pour améliorer la longévité il convient d’abord de connaitre les motifs de réforme de l’élevage. Qualifier précisément chaque sortie de vache est primordial pour identifier les pistes d’amélioration. Les motifs de réforme les plus courants sont (Gussman 2019, USDA/NAHMS, 2018):
- Mauvaise fertilité
- Troubles de santé : mammites et boiteries comme raisons principales
- Production laitière insuffisante
La fréquence des motifs de réforme varie cependant peu en fonction du taux de réforme du troupeau. Ainsi, les troupeaux avec de faibles taux de réformes (constitués de vaches à durée de vie productive plus longue) ont des fréquences de motifs de réforme similaires à celles des troupeaux à plus courte durée de vie productive (De Vries, 2020).
Par la sélection génétique
La longévité n’a pas de caractère héréditaire (Schuster, 2020) mais le fait de sélectionner des vaches dotées de bons aplombs et de bonnes qualités mammaires est favorable à la prolongation de la vie de l’animal. La sélection génomique est un accélérateur de progrès dans ce domaine (Liu, 2011).
Des stratégies de croisement de races pourraient également, dans certaines situations, apporter des bénéfices intéressants (Dezetter, 2019).
Par la qualité et l’équilibre nutritionnel
Pour garantir des lactations sans encombre, la couverture des besoins en protéine, énergie, minéraux, vitamines et oligoéléments doit être optimale toute l’année (Rózanska-Zawieja, 2021).
La période de transition (de 3 semaines avant à 3 semaines après le vêlage) est à surveiller plus particulièrement. Environ 10% des vaches quittent le troupeau dans les 30 jours suivant le vêlage en raison de divers troubles métaboliques ou troubles de la reproduction qui pourraient être évités en fournissant une alimentation adaptée autour du vêlage (USDA/NAHMS, 2014).
Par le respect du rythme physiologique de la vache
Pour aider les vaches à donner le meilleur d’elles-mêmes tout au long de leur carrière et à être productives plus longtemps, les conditions zootechniques doivent être idéales. L’aménagement du bâtiment doit permettre un accès facile à l’eau (propre) et à l’alimentation (en quantité et qualité), le tout dans de bonnes conditions d’ambiance (température, humidité).
La circulation vers les différentes zones (abreuvoir, auges, zones de couchage) doit être fluide. Le rythme physiologique de la vache doit être respecté autant que possible. Les facteurs qui perturbent ce rythme seront, immanquablement, de nature à réduire la longévité :
- Le manque de place à l’auge,
- La difficulté à accéder aux abreuvoirs,
- Le manque de place de couchage,
- Les sols glissants,
- La surdensité,
- Le stress thermique.
Par la conduite de la reproduction
L’amélioration de la gestion de la reproduction (suivi de la reproduction et utilisation d’outils de monitoring) a permis, ces dernières années, d’améliorer les critères de réussite.
Par exemple, les intervalles vêlage-IA fécondante et vêlage-vêlage (IVV) peuvent être réduits grâce au suivi régulier et rigoureux de la reproduction :
- Contrôle de l’involution utérine
- Détection et traitement des endométrites
- Prise en charge des vaches infertiles
- Détection efficace des chaleurs
Ceci concourt in fine à la réduction des réformes subies et à l’augmentation de la quantité de lait produite par jour de vie (Wu, 2007, Pinedo, 2010).
Par la réduction des boiteries
Les boiteries ont un impact fort sur la longévité des vaches et ceci pour plusieurs raisons.
La douleur et l’inflammation générées, même par des boiteries d’apparence modérées, limitent les déplacements. Ceci pénalise l’ingestion et l’expression des chaleurs.
Il est alors important de mettre tout en œuvre pour :
- Limiter l’apparition des boiteries : parage préventif, confort optimal, circulation fluide, densité normale, propreté des sols, ventilation adéquate.
- Intervenir rapidement dès les 1ers signes : observation et évaluation régulière de la motricité, utilisation de matériel efficace et garantissant la sécurité de l’animal et de l’opérateur, traitement précoce adapté aux types de lésions.
Par l’optimisation de l’élevage des génisses
Elever trop de génisses incite à accélérer le rythme des sorties et à se séparer de vaches qui auraient pu produire plus longtemps tout en étant en bonne santé. La stratégie de renouvellement doit être réfléchie et adaptée aux objectifs de l’élevage, en intégrant l’utilisation de semences sexées par exemple. Il est toutefois recommandé d’élever 10 % de génisses excédentaires pour faire face aux pertes accidentelles éventuelles.
Une alimentation adaptée qui permet une croissance soutenue de la naissance à 6 mois d’âge (900 à 1000 g de GMQ) contribue également à une meilleure productivité dès la 1ère lactation (Bach, 2021, Gelsinger, 2016).
Chaque gain de GMQ de 100g permet une production supplémentaire de 225 kg de lait en 1ère lactation (Bach, 2008). Les risques de réforme prématurée pour défaut de performance seront plus faibles (Heinrichs, 2011, Laumonnier, 2012).
Toutes ces actions en faveur de l’allongement du temps de présence des vaches laitières dans les élevages contribuent à l’amélioration du bien-être des animaux, défini par la possibilité qu’ont les animaux à exprimer 5 libertés (FAWC, 1992) :
Références bibliographiques
- Bach A., 2021. Invited review : advances in efficiency of growing dairy replacements. Applied Animal Science.
- Blais C. et al, 2008. Améliorer la longévité des vaches, est-ce vraiment payant ?. Valacta.
- De Vries A., 2004. Economics of delayed replacement when cow performance is seasonal. Journal Of Dairy Science.
- De Vries A. et al, 2020. Review: Overview of factors affecting productive lifespan of dairy cows. Animal.
- Dezetter C. et al, 2019. Le croisement entre races bovines laitières : intérêts et limites pour des ateliers en race pure Prim’Holstein ? INRAE Productions Animales.
- Farm Animal Welfare Council, 1992. FAWC updates the five freedoms. Veterinary Record.
- Gelsinger SL. Et al, 2016. A meta-analysis of the effects of preweaned calf nutrition and growth on first lactation performance. Journal Of Dairy Science.
- Gussmann M. et al, 2019. Association between udder health and culling in dairy cows. Preventive Veterinary Medecine.
- Heinrichs J., 2022. Conduite des génisses laitières. Pennsylvania State University.
- Heinrichs J. et al, 2011. A prospective study of calf factors affecting firts-lactation and lifetime milk production and age of cows when removed from the herd. Journal Of Dairy Science.
- Laumonnier G., 2012. Influence de la croissance des génisses sur la précocité, la production et la longévité. SNGTV.
- Liu Z. et al, 2011. Impacts of both reference population size and inclusion of residual polygenic effect on the accuracy of genomic prediction. Genetics Selection Evolution.
- Pinedo PJ. Et al,2010. Effect of days to conception in the previous lactation on the risk of death and live culling around calving. Journal of Dairy Science.
- Rózanska-Zawieja J. et al, 2021. The effect of feeding management and culling of cows on the lactation curves and milk production of primiparous dairy cows. Animals.
- Schuster JC. Et al, 2020. Invited review: Academic and applied approach to evaluating longevity in dairy cows. Journal of Dairy Science.
- USDA/NAHMS, 2018. Health and Management Practices on U.S. Dairy Operations.
- USDA/NAHMS, 2014. Health and Management Practices on U.S. Dairy Operations.
- Wu HC. Et al, 2007. Relationships between body type score and FHL in Holstein cow. Shandong Agricultural University.
GP-FR-NON-230400048
Découvrez nos dernières brèves
Découvrez notre newsletter
Vous êtes éleveur/se, technicien/ne ou ASV ? Inscrivez-vous à notre Newsletter et découvrez notre bibliothèque d’anciennes éditions.